Entretien avec Laurent Cayuela by AdminSpace ENTRETIEN AVEC LAURENT CAYUELA Voici l’entretien réalisé par Jeremie Noyer avec Laurent Cayuela en février 2005. Space Mountain : De la Terre à la Lune trouvait tout naturellement sa place au royaume des découvreurs en tous genres. Aujourd’hui, quelle est la place de Space Mountain : Mission 2 dans l’histoire de Discoveryland ? En fait, le contexte est le même si ce n’est que l’on se situe dix ans plus tard. La première histoire se concentrait sur les récits de Jules Verne racontant comment on avait pu envoyer des gens sur la Lune. Maintenant que la mission 1 s’est très bien passée, si Jules Verne était présent à notre époque, la Lune ferait moins rêver. Par conséquent, nous nous sommes mis à sa place en nous demandant ce qu’il aurait pu faire. On s’est dit qu’il aurait cherché à aller audelà des limites de notre système solaire, de notre galaxie, aux frontières de l’univers. C’est ainsi que pour cette Mission 2, on reprend le même canon, le Columbiad, mais re-calibré, pour nous envoyer bien plus loin que la Lune, aux confins de l’univers. En quelque sorte, c’est une suite au roman, sous forme d’attraction… Exactement. S’inspirant toujours des dernières avancées scientifiques, Jules Verne irait encore plus loin, et c’est ce que nous avons voulu faire. Au départ, il était question d’un Space Mountain : Mission Space, finalement devenu Mission 2. En tant qu’écrivain, je n’étais pas du tout favorable à cette première appellation. Cela faisait beaucoup trop de « space » ! D’autant plus qu’une attraction Mission Space existe depuis peu à Epcot en Floride et que cela aurait pu induire nos visiteurs en erreur. Les deux attractions sont très différentes, l’une basée sur un simulateur, l’autre sur un roller coaster. Plus encore aujourd’hui, notre Space Mountain est très différent de ses cousins à travers le monde. A tel point qu’à l’origine, il devait même s’appeler Discovery Mountain, pour bien marquer sa différence. Ce n’est qu’à la dernière minute que cette dernière appellation a été remplacée. Justement, dans De la Terre à la Lune, il restait encore des traces de cette première appellation, comme les DM présents sur les trains-fusées. Aujourd’hui, tout a été retiré, et là où se trouvait un DM, il y aura désormais une représentation symbolique d’une supernova, à l’image du logo officiel. La bande-annonce de l’attraction lançait un appel à tous les exploronautes. Quels sont ces explorateurs d’un nouveau genre ? Les cosmonautes sont russes, les astronautes sont américains, les spationautes sont européens. Nos exploronautes sont des explorateurs de l’espace sans distinction de nationalité. Il n’y a plus ni russe, ni américain, mais bien des représentants de la terre, de l’humanité, aux confins de l’univers. C’est une nouvelle génération, une nouvelle approche du monde et de l’espace, plus proche encore du concept de Jules Verne. C’est à Walt Disney lui-même, dans les années 60, que l’on doit les premières esquisses d’un Space Mountain, qui se serait appelé Spaceport et qui serait allé dans l’espace. Cet élargissement de notre Space Mountain n’est-il pas une façon de se rapprocher du concept original ? Déjà, le fait d’avoir une fusée qui sort du canon et qui rentre dans la montagne était un concept des années 60. Il faut savoir que Walt Disney était depuis longtemps passionné par l’espace et ce genre de voyage, et avec Mission 2 et son côté plus réaliste, on s’approche en effet vraiment de ce qu’il aurait voulu faire, à une époque où la technologie dont nous disposons aujourd’hui n’existait pas encore. Souvenez-vous que dans les années 50, Disney avait sorti un film qui avait fait fureur à l’époque, Man in Space ; un film qui associait l’imagination de Ward Kimball à l’expérience scientifique de terrain de Werner von Braun. C’était à la pointe de la technique. Et c’est cette idée qui a directement été reprise ici : envoyer tous les hommes, tous nos visiteurs dans l’espace. On retrouve dans cette nouvelle attraction tout l’optimisme disneyen et sa foi dans l’avenir. En effet. On va frôler des comètes, et même en traverser une, on va échapper à une supernova et réussir à traverser un trou noir. C’est là l’optimisme de cette attraction : survivre à tous ces événements spatiaux. C’est très « Happy Ending », mais tout cela s’accompagne d’un véritable émerveillement. Les gens auront la possibilité de véritablement côtoyer ces phénomènes. Si l’apparence extérieure de l’attraction, très visionnaire, fin 19e, n’a pas vraiment changé, qu’en est-il de l’intérieur? Elle reflète précisément cette dualité. C’est bien le même canon, l’extérieur est quasiment resté intact (si ce n’est de subtils changements de couleurs, et bien sûr la nouvelle appellation du lieu sur le portail), mais on a rhabillé certains passages. Par exemple, dans le couloir qui vous permet d’accéder à l’attraction se trouvaient des fenêtres qui permettaient d’avoir un avant-goût du parcours. Celui-ci sera désormais fermé et orné de photos de l’espace, quelque chose de beaucoup plus actuel. Ce qui a deux implications techniques et narratives. La première, c’est que cela crée davantage d’anticipation car on ne peut plus se faire une idée du parcours, et la seconde tient au fait qu’une fois que l’on se trouve dans la montagne, il n’y a plus du tout d’influence extérieure, ce qui va être très important dans le cadre de cette nouvelle expérience car tout est basé sur les effets visuels et leur harmonie avec les mouvements et les sons. On ne voulait surtout pas qu’une source de lumière extérieure vienne gâcher les effets. Du côté des véhicules, c’est toujours le même principe de trains fusées puisqu’on va les charger dans le même Columbiad, mais leur esthétique sera un peu plus contemporaine, avec des couleurs plus argentées, plus blanches, tandis que les premiers étaient plus or-bronze. Avec ce couloir dédié aux différents phénomènes cosmiques, on semble renouer avec la dimension didactique des grandes attractions Disney. Je n’irais pas jusqu’à dire que nos ambitions sont pédagogiques, mais tout au moins, nous cherchons à éveiller l’intérêt. Les images proposées seront directement inspirées de Hubble, les fonds sonores seront basés sur des dialogues entre la tour de contrôle et les techniciens, dans une approche plus actuelle et plus réaliste des choses. C’est le voyage lui-même qui va être visionnaire. En cela, on n’exprime pas des certitudes : on ne connaît pas, on ne comprend pas tout, mais tout cela fait rêver. Le système audio a lui aussi été amélioré. En effet. Il y aura désormais cinq speakers, deux dans les appuie-tête, deux dans le dos, et un de basse aux pieds qui, avec la musique et les effets sonores, va créer plus de vibrations et une sorte de bulle sonore à bord du véhicule. Qu’en est-il de la musique ? Tout le monde à WDI Glendale s’accorde à dire qu’elle est grandiose ! Avec les effets visuels derniers cris qui viennent d’être testés, elle devrait donner une toute nouvelle dimension à la montagne. C’est une grande attraction Disney qui s’ouvre aujourd’hui. La vitesse avait été un problème à l’ouverture de l’attraction originale puisque les autorités françaises avaient demandé qu’elle soit diminuée, le parcours se révélant sinon trop dangereux. Qu’elle fut l’approche actuelle de ce paramètre essentiel d’un roller coaster ? La vitesse n’a pas changé. On joue en fait beaucoup plus sur les sensations. Dans De la Terre à la Lune, vous preniez le train et vous montiez à peu près à un tiers du canon pour être immédiatement propulsé. Vous preniez donc très rapidement de la vitesse jusqu’en haut de la montagne, où l’on s’arrêtait plutôt brutalement avant de retomber à l’intérieur. Avec le recalibrage, vous partez du bas de la montagne. La vitesse reste la même, mais vous avez davantage de sensations. On a pu également jouer sur le freinage de sorte que l’entrée en avant sera moins brutale. Là, vos yeux vont s’habituer tout doucement à la pénombre et vous allez arriver dans un champ d’étoiles. C’est une impression tout autre qui s’offre à vous, et le reste est à l’avenant. Il n’en reste pas moins une notion de danger et de perte de contrôle pendant le parcours… Contrairement à De la Terre à la Lune, tout est basé sur l’idée de cause et effet. Chaque rencontre avec un phénomène céleste va être la cause de la déviation de notre trajectoire. C’est cela qui va nous envoyer faire un looping ou nous redonner de la vitesse. C’est une dynamique entre notre trajectoire et les éléments rencontrés dans l’espace. Chaque « sensation » a un sens. Exactement. Tous les mouvements de la navette sont le résultat de phénomènes extérieurs, d’une causalité. On rencontre une comète, on est attiré par sa gravité, on la traverse, on part en vrille, on est projeté au loin. De la Terre à la Lune n’excluait pas une petite dose d’humour, comme avec la Lune à la Méliès. Elle sera moins perceptible ici au cours du parcours, mais par contre, je vous invite à écouter attentivement les dialogues diffusés dans la file d’attente… Aujourd’hui où d’anciens Imagineers ont rejoint les rangs des parcs Universal par exemple, qu’est-ce qui fait toujours, selon vous, la spécificité d’une attraction Disney ? Comme Walt Disney l’a envisagé dès le départ, dans une attraction Disney, tout est basé sur une histoire racontée avec les méthodes du cinéma. C’est exactement le cas ici où le passage des véhicules contrôle l’audio, les projections et les effets de lumière. Vous êtes à la meilleure place pour assister au film, à l’histoire qu’on vous raconte. C’est ce que Walt faisait si bien : raconter une histoire en trois dimensions. Vous n’êtes pas passif devant un écran ; vous êtes dans l’écran, en train de vivre cette expérience. L’individu est acteur. Et c’est d’autant plus vrai avec cette bulle de son créée par les cinq haut-parleurs, qui donneront l’impression que la musique n’est jouée que pour vous ! Vous serez enveloppé dans la musique… Aujourd’hui où d’anciens Imagineers ont rejoint les rangs des parcs Universal par exemple, qu’est-ce qui fait toujours, selon vous, la spécificité d’une attraction Disney ? Comme Walt Disney l’a envisagé dès le départ, dans une attraction Disney, tout est basé sur une histoire racontée avec les méthodes du cinéma. C’est exactement le cas ici où le passage des véhicules contrôle l’audio, les projections et les effets de lumière. Vous êtes à la meilleure place pour assister au film, à l’histoire qu’on vous raconte. C’est ce que Walt faisait si bien : raconter une histoire en trois dimensions. Vous n’êtes pas passif devant un écran ; vous êtes dans l’écran, en train de vivre cette expérience. L’individu est acteur. Et c’est d’autant plus vrai avec cette bulle de son créée par les cinq haut-parleurs, qui donneront l’impression que la musique n’est jouée que pour vous ! Vous serez enveloppé dans la musique…