Entretien avec Michael Giacchino

ENTRETIEN AVEC MICHAEL GIACCHINO

Voici l’entretien réalisé par Jeremie Noyer avec MICHAEL GIACCHINO en février 2005.

Vous êtes le compositeur de la musique de Space Mountain : Mission 2. Quand et comment a démarré ce projet ?

J’ai été contacté par les gens de Disney aux alentours d’octobre 2004, juste avant la sortie des Indestructibles.

Quelle impression cela fait-il de participer à la création d’une attraction Disney ?

Ecrire la musique d’une attraction de Disneyland est vraiment l’un des plus grands honneurs qu’on puisse faire à un compositeur. La musique des parcs a toujours été la composante qui m’a le plus marqué au cours de mes visites, et ce plaisir ne s’est jamais démenti au cours des années. Lorsque j’étais enfant, j’ai toujours été un très grand fan du travail réalisé par des compositeurs tels Buddy Baker et George Bruns. Me retrouver à leurs côtés et faire partie de cette grande tradition est pour moi une immense émotion.

Connaissiez-vous la musique de l’attraction originale composée par Steve Bramson ?

Tout à fait, et je la trouve fantastique. En fait, je me trouvais à Paris l’année de l’ouverture de cette attraction, et je me souviens encore avec émotion de ce tout premier voyage à bord de Space Mountain : De la Terre à la Lune.

Avec qui avez-vous travaillé au sein de Walt Disney Imagineering ?

J’ai collaboré avec un certain nombre de personnes formidables là-bas, mais mon contact principal était John Dennis. C’est lui qui est en charge de la musique pour l’ensemble des parcs Disney. Nous nous sommes beaucoup rencontrés pour discuter des plans et du nouveau design de Space Mountain. J’ai collaboré avec un certain nombre de personnes formidables là-bas, mais mon contact principal était John Dennis. C’est lui qui est en charge de la musique pour l’ensemble des parcs Disney. Nous nous sommes beaucoup rencontrés pour discuter des plans et du nouveau design de Space Mountain. 

Que vous a-t-on demandé pour la musique de cette nouvelle version de l’attraction ?

Les gens de WDI voulaient une expression plus moderne, avec une percussion marquée et incessante. Mais en même temps, ils tenaient à y voir figurer des éléments orchestraux, afin d’inscrire cette musique sur le long terme. Ils m’ont demandé que le nouveau concept de la musique évoque une expérience vertigineuse à bord d’un train-fusée.

À partir de là, vers quel style vous êtes-vous orienté ?

J’ai essayé de faire quelque chose qui ressemble à un vieux thème de musique de télévision, le genre que j’aurais pu entendre, enfant, pendant que je regardais des dessins animés ou des émissions de science-fiction vraiment cool.

Quel fut votre rapport à l’histoire que raconte Space Mountain : Mission 2 ?

Les attractions Disney sont conçues avec beaucoup de soin quant aux histoires qu’elles racontent, et celle-ci n’y fait pas exception. Le parcours commence par le lancer. Un calme mystérieux plante le décor, puis vous êtes propulsé dans l’aventure. La musique est sous contrôle et vous avancez à une vitesse vertigineuse. D’ici peu, cependant, vous êtes le témoin d’une supernova et vous tentez de vous en échapper : à ce moment, la musique devient beaucoup plus intense, incontrôlable, avant de vous raccompagner en toute sécurité à la base.

Comment avez-vous plus particulièrement traité musicalement ce lancer, plus puissant que l’original ?

J’ai décidé de le traiter de façon la plus simple possible. Ce passage est essentiellement basé sur un accord dissonant qui grossit et grossit jusqu’à ce que vous passiez le premier dos-d’âne et que vous plongiez dans l’aventure.

Vous avez su vraiment innover dans les moments de panique, comme juste après la supernova.

Ce fut vraiment un régal de jouer avec des éléments plus atonaux pour ces moments… L’habitude dans ce genre d’attraction est de proposer une musique avec de grandes descentes chromatiques et j’ai été heureux de pouvoir être un peu expérimental, même si c’est pour un tout petit moment.

Au final, il ne s’agit pas seulement d’arriver en sécurité, mais d’avoir la sensation d’avoir vécu une véritable aventure…

J’ai fait en sorte qu’on se dise quelque chose du genre : « j’ai réussi, je l’ai fait – je suis cool », avec un petit côté fanfaron !…

Space Mountain : De la Terre à la Lune était basé sur la synchronisation de la musique et des mouvements. Maintenant, ce sont la musique, les mouvements, les effets visuels et les effets sonores qui sont tous synchronisés. Comment avez-vous géré cette complexité technique ?

Nous avons essayé de tout synchroniser au mieux, certes, mais il était aussi important de ne pas être totalement assujetti au moindre mouvement des fusées durant le parcours. Nous voulions que la musique ait un thème que l’on puisse entendre et reconnaître tout le long. Si nous avions souligné chaque tournant, cela aurait porté atteinte à la continuité du matériel thématique que nous avons développé avec beaucoup de soins pour cette attraction. De fait, je me suis davantage focalisé sur cet aspect que sur une mise en musique seconde par seconde du parcours et de ses aléas.

Vous avez composé les nouvelles musiques de tous les Space Mountain du monde. Comment avez-vous travaillé à Paris ?

Ce fut épuisant ! Je n’ai pas eu le temps de descendre de l’avion que je me suis retrouvé à bord de Space Mountain. Durant ce voyage de six jours autour du monde, de Los Angeles à Paris, puis de Paris à Tokyo et enfin Los Angeles, je n’ai pratiquement pas dormi. La nuit de mon arrivée à Paris, j’ai dû faire l’attraction au moins une bonne vingtaine de fois ! John Dennis et moi avions tous les deux amené des iPods afin d’écouter toutes sortes de musiques durant les différents parcours que nous avons faits, juste pour voir quels instruments pourraient percer à travers le bruit des fusées, et quels types de tempos et d’ambiance correspondraient le mieux. Ce fut une semaine de folie !

Qu’en a-t-il résulté au niveau de l’enregistrement ?

Nous avons enregistré la musique de Space Mountain : Mission 2 aux studios Paramount d’Hollywood, avec un orchestre d’environ 55 musiciens, composé d’une très importante section de cuivres et d’énormément de violons et d’altos. Nous nous sommes aperçus durant nos essais à Paris que le niveau de fréquence de certains instruments ressortait mieux que d’autres dans l’attraction. De fait, j’ai renforcé le plus possible les pupitres dont je savais que vous alliez pouvoir les distinguer dans cet environnement déjà très bruyant. Pour moi, cette partition concerne avant tout des lignes de cordes allant à toute vitesse, associées à la puissance des cuivres.

Le fait est que vos orchestrations sont magnifiquement présentes tout au long du parcours.

J’ai orchestré cette musique avec mon ami et chef d’orchestre Tim Simonec. Il était très important pour moi que cette bande-son ne repose pas seulement sur un lit de rythmes techno. Je voulais vraiment que l’orchestre domine la partition de cette attraction parce que cette musique est destinée à durer un certain temps (je l’espère) et qu’il n’y a pas de meilleur moyen de rendre la musique intemporelle que de l’enregistrer avec de vrais musiciens.

Vous parliez de votre chef d’orchestre. Comment a-t-il dirigé ?

En raison des besoins de synchronisation, nous avons opté pour l’utilisation du « click system» dans la mesure où j’ai composé la musique selon un timing de l’attraction pré-établi, et où j’ai aussi fait appel à une piste de percussion pré-enregistrée par-dessus laquelle l’orchestre jouait.

Pour vous, qu’est-ce qui fait la spécificité de la musique d’une attraction Disney ?

Il s’agit avant tout de raconter une histoire, et c’est ce qui compte le plus pour moi dans toutes les musiques sur lesquelles je travaille.

Quels souvenirs garderez-vous de cette expérience ?

Travailler sur cette musique, pour cette attraction a été l’un des plus grands moments de ma vie. Je revivais mes souvenirs et mes rêves d’enfant. Quand j’étais petit, je voulais toujours voir comment les parcs Disney fonctionnaient, comment la magie devenait réalité, comment Disney faisait tout cela. Ce qu’il y avait derrière le rideau d’une certaine façon. Ce travail m’a permis de visiter à la fois les parcs de Paris et de Tokyo et de voir des choses qu’enfant, je n’ai
pu qu’imaginer. J’ai toujours été un immense admirateur des gens de Walt Disney Imagineering et je ne peux songer à cette expérience que comme un rêve devenu réalité. Cela peut sembler puéril, mais je me suis vraiment éclaté !

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